La nouvelle dimension

120 ans pour Le Nouvelliste

Share on facebook
Share on twitter
Share on linkedin
Share on whatsapp
Share on telegram
Share on facebook
Share on twitter
Share on linkedin
Share on whatsapp
Share on telegram

120 ans pour Le Nouvelliste

À la fin du XIXe siècle, en Haïti, un imprimeur et un journaliste se mirent ensemble pour fabriquer un journal. Ni l’un ni l’autre ne nourrissaient alors l’ambition de créer une institution. Leur intention, avec une idée claire et commerciale, était de faire un journal d’information. L’un écrivait, l’autre imprimait.

Le premier nom choisi fut « Le Matin ». Le 1er mai 1898 tout est fin prêt. En ce temps-là, il y a fort longtemps, le 1er mai n’est pas encore un jour férié, réservé pour célébrer la fête du Travail et celle de l’Agriculture. Le 2 mai, le premier numéro est distribué à travers la capitale.

Quelques mois plus tard, devant les difficultés pour faire paraître le journal le matin, les responsables décidèrent d’en changer le nom. Le Matin, après 15 mois, devint Le Nouvelliste, un journal du soir. Comme l’équipe resta la même, après quelques hésitations, la numérotation continua. Voilà pourquoi ce journal né Le Matin s’appelle aujourd’hui Le Nouvelliste et a 120 ans bien sonnés en ce 1er mai 2018.

Guillaume Chéraquit, le fondateur des deux titres, et Henri Chauvet finirent par jeter le gant devant les difficultés. Et c’est ainsi, plus tard, le fils d’Henri, Ernest Chauvet, releva seul le défi. Ancré au centre-ville de Port-au-Prince, depuis le XIXe siècle, Le Nouvelliste s’est taillé une place de choix pour devenir au fil des années le doyen de la presse haïtienne et une école pour des centaines de journalistes. Au début, il fallait avoir une belle plume; depuis une dizaine d’années, c’est au sortir des facultés et des écoles de journalisme que le titre recrute.

Petit clin d’œil au projet de départ, Le Nouvelliste aujourd’hui paraît le matin, aux aurores même sur le site Internet et tout chaud pour ceux qui le recueillent à la sortie des presses. Comme en 1898, il y a un Chauvet à sa tête et les descendants de Guillaume Chéraquit demeurent de bons amis du journal. Le projet initial est encore la ligne du journal : une entreprise commerciale chargée d’informer la population haïtienne.

Du premier rédacteur en chef, Oswald Durand, en passant par une longue lignée de responsables, dont Lucien Montas qui fut tout à la fois directeur et rédacteur en chef du Nouvelliste, des centaines d’hommes et de femmes ont usé leurs plumes, leurs doigts, leurs semelles pour faire du Nouvelliste ce qu’il est devenu au fil du temps. Chacun à sa place, chacun en offrant le meilleur de lui-même.

On a vu un jeune homme, Carlo A. Désinor, publier son premier poème dans le journal avant ses dix-sept ans et finir rédacteur en chef du Nouvelliste. On a vu des journalistes devenir ministres, puis redevenir journalistes, d’anciens ministres offrir leur collaboration aux mêmes conditions que tous ceux à qui nos pages sont ouvertes.

On a eu à la tête du journal la gauche de la gauche haïtienne, comme on a eu des noiristes, des antiaméricains, des représentants éminents de toutes chapelles politiques de ce pays. Chacun est venu avec ses convictions tout en sachant se fondre dans le moule des fondateurs et a su préserver le journal des orientations partisanes.

On a tout connu en 120 ans, mais est resté le souci constant de faire un journal qui soit au-dessus des partis et pour les lecteurs. Un journal proche de la vérité et au besoin autocensuré pour ne pas se compromettre. Agora et dépositaire de l’esprit du temps, Le Nouvelliste a su avec élégance voir passer les modes et les idées, s’y intéresser, les dépasser, les voir trépasser et accueillir les nouvelles sans renier les anciennes. La modération et la diversité cohabitent dans cette maison depuis le lancement du journal en 1898.

Fermé sous l’occupation américaine, le directeur du Nouvelliste de l’époque, Ernest Chauvet, a fait de la prison pour avoir défendu une certaine idée des intérêts d’Haïti. Max Chauvet, directeur à son tour, a été conduit à pied aux Casernes Dessalines parce qu’il défendait ses livreurs de journaux, rouage essentiel dans le rendez-vous quotidien que Le Nouvelliste donne à ses lecteurs. Des journalistes ont été bastonnés dans l’exercice de leurs fonctions. Rien ne nous fit perdre le cap. Le Nouvelliste est resté égal à lui-même et fidèle à sa ligne. Ici, on ne pratique ni les représailles ni la vengeance. On se contente d’avoir bonne mémoire.

Dans cette maison, on a connu des collaborateurs du journal devenus présidents de la République, on a connu des hommes de grands talents qui ont été dévorés par la transition qui n’en finit pas, transition qui a commencé bien avant 1986. Cette transition vers une Haïti meilleure que personne ne peut encore conduire à bon port avait malheureusement cours bien avant 1898. Le Nouvelliste a toujours su garder ses amis et tenir la chronique de leur conduite.

Sans être chagrin d’aucun passé qui ne fut jamais bon, toujours inquiet de l’avenir qui ne s’annonce pas meilleur, Le Nouvelliste, de génération de journalistes en génération de journalistes, compte continuer à faire son travail de recherche, de collecte, de priorisation, de diffusion de l’information pour ses lecteurs tout en offrant à ses annonceurs la meilleure des plateformes.

Hier, c’étaient les linotypes et la gravure, le noir et blanc et ses nuances, le grand format et ses pages immenses. Aujourd’hui, c’est la couleur, le format tabloïd, le site Internet, les réseaux sociaux et demain qui sait ? La promesse de 1898 ne change pas. Le Nouvelliste compte mettre des hommes et des moyens ensemble pour faire de l’information.

Pour nos 120 ans, convaincu que le chemin tracé par les devanciers était le bon, je m’associe aux journalistes, aux photographes, aux collaborateurs bénévoles, aux correcteurs, aux infographistes, au personnel administratif, aux pressiers, aux facteurs et à toute la grande famille passée et actuelle du Nouvelliste pour présenter à nos lecteurs, à nos commanditaires, aux propriétaires, à la direction du journal les vœux les meilleurs pour une longue continuation.

Frantz Duval

Le Nouvelliste

Facebook Comments

A lire aussi...