La nouvelle dimension

Quand Haïti rayonne sur la scène internationale francophone

Share on facebook
Share on twitter
Share on linkedin
Share on whatsapp
Share on telegram
Share on facebook
Share on twitter
Share on linkedin
Share on whatsapp
Share on telegram

Quand Haïti rayonne sur la scène internationale francophone

Le 30 novembre 2014, devançant les autres candidats en lice -l’écrivain et diplomate congolais Henri Lopes, l’ex-premier ministre mauricien Jean-Claude de l’Estrac, l’ex-président burundais Pierre Buyoya et l’ancien ambassadeur de Guinée-Equatoriale à Londres Agustin Nzé Nfumu-, l’Afro-Haïtiano-Canadienne Michaëlle Jean a été élue au poste prestigieux de Secrétaire Générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) lors du Sommet qui s’est tenu à Dakar, la capitale sénégalaise.

Une fierté pour le peuple haïtien d’autant que, à certains égards, Madame Jean, jacmélienne, a mis son “rapport-au-monde afro-haïtien” au cœur de sa campagne, pour citer le philosophe haïtien Wilson Décembre dans Vitalité et spiritualité. Apologie du rapport-au-monde afro-haïtien (L’Harmattan, 2009).

Comme l’a souligné le ministre haïtien des Affaires étrangères d’alors, Pierre Duly Brutus, présent au Sommet à Dakar “Haïti est aussi l’un des pays qui ont lutté, aux Amériques et à travers le monde, pour l’usage de la langue française dans les instances internationales, notamment à l’Organisation des États américains.”

En effet, “c’est la délégation haïtienne à la Conférence de San Francisco en 1945 qui, entraînant les votes latino-américains, et contre l’hostilité anglo-saxonne, a imposé le français comme deuxième langue de travail des Nations unies (‘La France vous doit une reconnaissance éternelle’, lança alors Georges Bidault, président de la délégation française, au ministre haïtien, ‘vous serez fait grand officier de la Légion d’honneur”[…])”, ainsi que le rappelle plus précisément Régis Debray dans Haïti et la France (La Table Ronde 2004, p. 18).

L’élection de Madame Michaëlle Jean -que le journal sénégalais Le Quotidien présente comme une “femme du Nord et du Sud, du Canada et de Haïti”, son pays natal, incarnant ainsi “une francophonie plurielle”- a été saluée par le président français, François Hollande, qui n’a pas manqué de rappeler, selon le magazine Jeune Afrique, qu’elle avait, de toute façon, du sang africain qui coule dans ses veines comme pour répondre à ses détracteurs.

Cette allusion à l’origine afro-haïtienne de la nouvelle Secrétaire Générale de la Francophonie par le président Hollande entre, tout à fait, en résonance avec l’expression de “arrière-arrière-arrière petite fille d’esclaves” qui lui est chère. En effet, en visite à Bordeaux, le 10 mai 2008, où elle a été reçue en tant que Gouverneure du Canada, par le maire Alain Juppé, dans le cadre des commémorations entourant la journée nationale de la fin de l’esclavagisme, en France, elle a déclaré lors d’une table ronde: “Moi, arrière-arrière-petite-fille d’esclaves, je suis venue saluer la mémoire de millions d’Africaines et d’Africains, victimes d’un des crimes les plus barbares contre le genre humain”.

Cet afro-haïtianisme, tel qu’elle l’exprime, j’ai eu l’honneur et le plaisir de m’en apercevoir personnellement en engageant la conversation avec elle -grâce à son protocole, en présence du Consul Honoraire d’Haïti à Bordeaux, Monsieur le Dr Guillaume Hippolyte- en marge de la cérémonie officielle en hommage à Toussaint Louverture sur les Quais à Bordeaux. Nous avons parlé de notre ville de naissance commune, Jacmel, bien sûr, mais aussi de ce sentiment si fort que nous avons éprouvé tous les deux, en tant qu’Haïtiens, le jour où nous avons posé le pied sur le sol africain pour la première fois et l’accueil que nous y avons reçu – elle au Ghana (ou le Kenya si je ne me trompe pas) et moi au Burkina Faso.

L’arrivée de cette Haïtienne d’origine à la tête d’une grande institution internationale comme l’OIF n’est pas sans enseignement pour son pays natal, Haïti. Au moins à double titre. D’une part, comme le note Louis Hamann, un autre volet du programme de Michaëlle Jean porte sur le respect et la promotion des valeurs démocratiques. En effet, “convaincue que l’Etat de droit, la démocratie, l’égalité, le respect des droits de la personne et l’indépendance de la justice sont essentiels au développement des sociétés modernes et à l’épanouissement de leurs populations, Michaëlle Jean veut encourager la promotion de ces valeurs universelles par une diplomatie préventive et agissante, pour assurer la paix et la sécurité dans l’espace francophone “(Haïti Monde, N° 12, octobre 2014).

A cet égard, il faut espérer que le combat de l’actuelle Secrétaire Générale de la Francophonie portera ses fruits dans son pays d’origine en poussant les acteurs politiques, les membres de la société civile ainsi que toutes les forces vives haïtiennes à prendre leur responsabilité dans le respect de ces valeurs qu’elle entend promouvoir dans l’espace francophone.

D’autre part, son élection est l’occasion de rappeler, s’il en était encore besoin, que Haïti est le pays “où l’on parle, écrit une langue, peint des tableaux, fait de la musique, et raconte des histoires comme on aimerait en entendre, en lire, en voir plus à Paris” (Régis Debray, op. cit., p. 17). Le pilier de la francophonie, comme l’affirme le député français, ancien ministre, Yves Jégo.

Ce qui s’est confirmé, notamment, en 2014-2015 où Haïti a rayonné sur la scène internationale francophone grâce aux talents reconnus de ses fils et de ses filles, avec, en plus de l’arrivée de Michaëlle Jean aux commandes de la Francophonie, l’entrée de l’écrivain Dany Laferrière comme “Immortel” à l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre, l’obtention par la romancière Yanick Lahens du Prix Femina pour son roman Bain de lune en 2014, son invitation à la prestigieuse Académie de France à Rome (Villa Médicis), le 16 mars 2015, à une rencontre autour de son œuvre, à l’occasion de la Journée internationale de la Francophonie, ainsi que la grande exposition sur la richesse de la création artistique haïtienne “Haïti: Deux siècles de création artistique” organisée par la Réunion des grands musées nationaux – Grand Palais à Paris (19 novembre 2014 – 15 février 2015).

Arnousse Beaulière

huffingtonpost

Facebook Comments

A lire aussi...