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Duvalier : une Haïtienne d’origine demande des explications à Martelly

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Duvalier : une Haïtienne d’origine demande des explications à Martelly

Il ne fallait pas qualifier «Bébé Doc» de président, mais de fossoyeur de ce qu’on appelait autrefois la « perle des Antilles », se révolte une québécoise d’origine haïtienne, Franceska Saint-Juste, dans une lettre publiée dans le journal Le Devoir, le 6 octobre. Voici in extenso, la lettre ouverte de Franceska Saint-Juste au président de la République, Michel Martelly.

 

Cher président Martelly, le 4 octobre survint le décès tant attendu pour plusieurs du deuxième dictateur le plus connu d’Haïti. Jean-Claude Duvalier, aussi appelé « Bébé Doc ». Il est mort d’une crise cardiaque, non pas dans la cellule où il méritait d’être depuis plus de vingt-huit ans — ni même dans celle qui l’attendait de droit, lors de sa réapparition sur les terres haïtiennes il a déjà trois ans déjà —, mais bien dans sa maison d’un des quartiers huppés de Port-au-Prince, entouré d’êtres chers. Une mort qui me semble bien injuste, puisque ce privilège de quitter la vie ainsi n’a certainement pas été accordé à tous ceux que son père, lui et son gouvernement ont tués, torturés, mais surtout humiliés pendant vingt-neuf ans.

Aujourd’hui, Monsieur le Président, est mort le prince héritier d’un régime de peur qui emporta avec lui l’âme, en peine, de plusieurs Haïtiens, lesquels, depuis plus trente ans, dénoncent les morts injustifiées de leurs amis, familles, tous tués sous le gouvernement d’êtres ignobles et exécrables. Je me réjouis donc aujourd’hui, Monsieur le Président, de la mort de celui qui a fait kidnapper, torturer et tuer mon oncle, à peine âgé de seize ans, pour certains de ses dires ; et l’oncle de plusieurs jeunes Haïtiens qui, tout comme moi en ce moment, se disent soulagés de la fin réelle du cauchemar qu’était leur vie sous le régime Duvalier. Je n’ai pas connu le duvaliérisme. Je suis née sous le troisième régime de peur et d’instabilité politique et économique haïtienne, celui d’Aristide, mais tout comme plusieurs jeunes Haïtiens immigrés au Canada, je connais des êtres chers qui ont souffert en tentant de fuir le duvaliérisme. Ces gens aujourd’hui continuent de réclamer justice, mais comment justice peut-elle se faire quand le président d’Haïti, vous, Monsieur !, décrit sur Twitter, la mort de l’ancien dictateur comme une « triste circonstance ». Monsieur le Président, comment osez-vous décrire encore « Bébé Doc » comme un ancien président ? Un « président » que, j’en suis certaine, vous jugez digne d’obsèques présidentielles, ainsi que des larmes d’un peuple que vous pensez reconnaissant, alors que cet homme n’a jamais été la définition même d’un candidat élu majoritairement par une nation. Il n’est donc pas « mon » président ; il n’était clairement pas celui de mes parents et certainement pas celui de mes grands-parents, il n’était qu’un bourreau, un simple colonisateur qui, tout comme son géniteur, a proclamé sienne une nation qui ne lui a jamais appartenu. Aujourd’hui, Monsieur le Président, je me réjouis haut et fort de la mort du fils de Belzébuth. J’acclame aussi l’âme de ceux qui sont morts de manière injuste et immorale à Fort Dimanche. À eux, Monsieur le Président, je souhaite de reposer en paix !

Quant à votre « président », Monsieur, j’espère pour lui qu’il saura utiliser devant le Saint-Père les leçons de droit qu’il aura peut-être pu apprendre lors de son court passage à l’université… Quant à votre gouvernement, je présume qu’il préfère, ce soir, pleurer la mort du gendre de celui qui a mis sous terre le pays qu’on appelait fièrement, autrefois, « la perle des Antilles ».

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