La nouvelle dimension

La gourde : Mathias Pierre veut arrêter l’hémorragie

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La gourde : Mathias Pierre veut arrêter l’hémorragie

Arrêter l’hémorragie de la gourde en recapitalisant la paysannerie. Voilà le mot d’ordre de Mathias Pierre, le mercredi 29 juillet 2015, à Marchand-Dessalines, lors d’une conférence qui s’est terminé par une marche pacifique. Escorté de centaines de partisans, l’aspirant président de la République a marché dans la Vallée de l’Artibonite en brandissant des lèches et appelé la population à dompter son origine : « Orijin mwen pap kondane-m » pour que l’importation cesse de saigner la gourde.  Ce geste, considéré comme inédit,  a séduit les Artibonitiens. Voici, in extenso, le discours tenu par Mathias Pierre qui en profitait aussi pour procéder au lancement officiel de la campagne électorale des candidats aux législatives de l’Alliance Pote Kole pour le département de l’Artibonite.

Stopper l’hémorragie de la gourde. Recapitaliser la paysannerie n’est-elle pas une solution ?

En cette période de tourmente économique où le dollar étrangle la gourde, il convient d’interroger les pratiques étouffantes de l’importation, notamment celle du riz, et de déterminer la politique économique que l’Etat doit mettre en œuvre pour briser le rythme ascendant de l’inflation.

Comment orienter les capitaux nationaux vers des productions locales ? Quelle stratégie mettre en place pour passer d’une société d’intermédiaires et de paysans appauvris à  une société d’entrepreneurs et de salariés, c’est-à-dire d’une bourgeoisie importatrice à une bourgeoisie industrielle? Quel usage faire de l’épargne nationale ? Des réponses à ces questions, inspirées du New Deal économique et social, peuvent nous éclairer sur les pressions inflationnistes que subit le pays.

Depuis le lancement de notre candidature à la Présidence d’Haïti, s’ouvre l’ère d’un New Deal. Cette nouvelle donne s’articule autour de plusieurs propositions d’actions concrètes réalisables à court et à long termes. Dans ce cas, il faut s’exercer à agir dès maintenant.

La hausse démentielle du dollar américain face à la monnaie locale est, assurément, symptomatique d’une diminution effrénée de notre capacité de production et d’une augmentation accélérée de la population. En attendant que le prochain quinquennat soit celui du New Deal, nous appelons les autorités concernées à prendre des dispositions, à court terme, pour faire face à l’asphyxie de la gourde.

           A COURT TERME

Rien que dans l’importation du riz américain, Haïti souffre d’une hémorragie de devises. L’absence de production augmente le flux de dollars quittant le pays. Alors que nos besoins alimentaires en riz sont évalués à 450,000 tonnes, notre capacité de production actuelle est de 80,000.  Cette insuffisance est dangereusement compensée par une importation massive qui fait d’Haïti le deuxième pays importateur mondial du riz des Etats Unis après le Mexique.

A brève échéance, il est impératif d’adopter les mesures suivantes :

           Limiter les importations non-essentielles effectuées par l’Etat (Les véhicules, par exemple).

           Instaurer un double taux de change pour mettre de l’ordre dans le marché. Cette différenciation des taux de change  implique de privilégier les besoins en dollars des entreprises de production par rapport aux entreprises de commerce.

           Régulariser le marché des changes en soumettant les différents acteurs impliqués au contrôle de la Banque de la République d’Haïti (BRH).  Une licence de cambiste est nécessaire à tout  opérateur chargé de vendre ou d’acheter des devises.

           Interdire les kits alimentaires contenant des produits importés. Ce, dans le cadre des efforts visant à diminuer les pressions sur le taux de change.

           Combattre le réseau mafieux qui détourne l’engrais subventionné vers la République Dominicaine.

           Mettre l’épargne nationale au service de la production nationale pour diminuer la surliquidité dans le système. Nous avons plus de 25 milliards de gourdes dans les banques, qui menacent le taux de change.  Cet excédent de liquidité, s’il est alloué à la Banque Nationale d’Haïti et à la Banque Populaire Haïtienne, peut servir à supporter la production et les PME.  Vu que cette décision doit être située dans un cadre légal, la BNC et la BPH seront fusionnées, et converties temporairement en une banque agricole.

           Atteindre la transparence totale concernant le prix des engrais, qui sont subventionnés par l’Etat. Pour ce faire, il faut impliquer les différents acteurs (importateurs d’intrants, ministères concernés, associations de paysans..) dans la commande, la distribution et la gestion des engrais et des semences, pour le contrôle de la hausse du prix des intrants. Cela favorisera la transparence et permettra d’éviter la corruption dans ce secteur.

           Octroyer un crédit en intrants agricoles aux paysans pour relancer la production. A propos, nous proposons l’injection de 25 milliards de gourdes, sous forme d’avances aux paysans, dans le secteur agricole pour optimiser la production.

           Mettre en place un système de distribution en accord avec le secteur privé pour faciliter l’accès au marché local des produits agricoles. Certains attendent que la production paysanne arrive presqu’à expiration pour l’acheter à vil prix. Cette pratique est condamnable.

           Curer les canaux d’irrigation de la Vallée de l’Artibonite

           L’Etat devra aussi changer son schéma de consommation : diminuer les voyages des officiels en quantité et en taille de délégations, cesser d’organiser les réunions de l’administration publique dans les hôtels pour diminuer les frais et les per diem.

 

           A LONG TERME

L’une des incidences positives du New Deal économique et social est que ce pays, durant le quinquennat de Mathias Pierre, sera presqu’en mesure de subvenir aux besoins alimentaires du peuple par sa seule production. La terre d’Haïti nourrira ses enfants de produits locaux à 80% dans 5 ans.

Non seulement nous associerons les chercheurs de l’université à la fabrication d’engrais pour éviter que le paysan ne se soumette au diktat des importateurs et fournisseurs, mais aussi nous renforcerons les infrastructures de production agricole.

Voici donc les mesures qui doivent être prises pour établir, à long terme, une relation entre la monnaie et la production.

           Mener une campagne de diminution de la consommation du riz en vue de réduire le volume d’importation. 

           Encourager les recherches universitaires aux fins de mettre en place un laboratoire capable de produire des engrais et des semences de qualité en Haïti. Cela nous permettra d’éviter des hausses non contrôlées de ces intrants.

           Décentraliser la gestion des infrastructures d’irrigation dans les zones rurales. La corruption au niveau de l’ODVA, par exemple dans l’Artibonite, est un handicap à la production. Chaque commune devrait avoir son parc d’équipements pour l’irrigation et bénéficier d’un  support à la production

           Créer la banque de développement et la banque agricole pour financer, en tout temps, la production, la transformation et la distribution.

           Créer des incitations dans les zones rurales pour pousser les entreprises à investir dans la transformation et la distribution tout en impliquant les paysans.

           Règlementer le mode contrat entre le propriétaire terrien, qui bénéficie actuellement de 80% de la plantation, et le planteur. Il faut en finir avec l’accord qui alloue davantage de la récolte au propriétaire. Nous devons parvenir à un contrat « 50/50 ». 

           Augmenter les taxes sur les produits importés. Mettre en chantier les infrastructures agricoles : irrigation, systèmes de stockage d’eau. Soutenir des projets écologiques tels que la lutte contre l’érosion, le reboisement, la protection des bassins-versants et de la biodiversité́.

           Dynamiser le secteur agricole en encourageant fortement l’entrepreneuriat sous forme de « Konbit » : création d’associations de planteurs obtenant de la banque nationale de développement un crédit et un accompagnement pour acquérir les moyens de production et se doter de capacités de transformation et de distribution sur les marchés locaux et étrangers.

Pour terminer, nous évoquerons des chiffres concluants pour souligner nos potentialités agro-alimentaires. Sur les 120,000 hectares (ha) de surface rizicultivable disponible, 50% ne sont pas irrigués, soit 60,000 ha. dans l’Artibonite. Si nous consentons les investissements nécessaires pour les irriguer, nous pourrons augmenter d’au moins 100%  notre capacité de production, qui atteindrait jusqu’à 320,000 tonnes.

Ensuite, on pourra opter pour une production de masse. Le Vietnam, la Chine, l’Egypte et les Etats-Unis produisent respectivement 5.23, 6.58, 10 et 7.94 tonnes à l’hectare.  Haïti ne produit que 3 tonnes à l’hectare. Donc, le choix d’un autre type de semence peut augmenter drastiquement notre capacité de production.

Pourtant, certains  formeraient le projet de fermer la Vallée de l’Artibonite à la production du riz. Ce plan, s’il est exécuté, tuera la production nationale et la paysannerie haïtienne.

Ce pouvoir, qui dit avoir fait décoller Haïti, en descendant tranquillement, et avec plaisir, aux enfers de la corruption et de la mauvaise gouvernance du taux de change, peut tenter un dernier élan dans sa chute en cas de défaut d’adopter ces mesures de redressement. Ainsi exigeons-nous une augmentation de salaire au rythme de la détérioration de la gourde, soit de 25%. Le salaire minimum devrait passer de 200 à 250 gourdes par jour…

Mathias Pierre

Candidat à la Présidence

 

Photos: Lesly Dorcin

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